Parcours
Je suis baroque*, inclassable, et vivante. Ma jeunesse s’est passée les deux pieds dans l’eau près des grenouilles et des couleuvres de l’Ile Perrôt. Notre maison : une boite de crayons de couleurs, mon père étant dessinateur et peintre. Mes contacts avec l’art furent quasi violents. Académiste impénitent, mon père s’opposait radicalement aux automatistes arrivés dans la famille par la porte étroite d’un mariage d’une de ses sœurs avec un frère de Marcelle Ferron. Ce sont les anathèmes que les familles des uns versaient réciproquement sur celles des autres qui servirent de terreau à mon éducation artistique. Même si on reconnaissait mes dons naturels, on craignait que je sois tentée d’en faire un métier, car être artiste équivalait à vivre dans la misère et à fréquenter les existentialistes honnis.
Académistes comme automatistes furent tous remisés lorsque je fréquentai l’école de Francine Labelle. J’ai désappris tout ce que j’avais vu et entendu et me suis plongée avec grand bonheur dans l’univers de la couleur, celle des fleurs, portraits, natures mortes ou abstractions, cherchant à voir surtout la poésie cachée dans la forme d’à-côté! Le déclenchement de ma fantaisie n’attendait que les suggestions de Jaber Lutfi pour délirer à souhait et laisser vibrer en moi tout ce qu’il y a de baroque.
Il n’est jamais question d’idées dans mes images, sauf des idées de couleurs et de formes pour planer allègrement entre mer et terre, l’horizon de l’un et l’autre s’inversant tour à tour, laissant place aux volatiles ou aux nageurs des temps primordiaux ou rien n’était encore nommé au jardin d’Eden. De ce chaos originel aux perspectives oniriques ou poétiques, votre regard sera vraisemblablement conduit, à travers collages et peinture en transparence, vers la caverne perdue de Platon ou un oiseau demeuré au paradis. Bon voyage!